CONCERT DE NUIT DANS LES CATACOMBES
Quelques rares privilégiés ce qu'il est convenu d'appeler des Parisiens de marque étaient conviés, cette nuit à une petite fête qui ne manquait ni d'originalité, ni d'imprévu. L'invitation est ainsi conçue :
Monsieur..... est prié d'assister au concert des catacombes, organisé par MM Pierres et Jouaneau, à onze heures.
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
A l'heure dite, une centaine de personnes se faufilaient par une
étroite porte de la rue Dareau, et commençaient la descente de l'interminable
escalier qui mène aux catacombes. Des hommes noirs
et fort accueillants, guidaient la route avec des
bougies, dont la lueur tremblante éclairait mélancoliquement les rangées de
crânes, les colonnettes de tibias, qui sont la gloire macabre de notre capitale.
Pourquoi, comment cette fête?
Renseignements pris, nous apprenons ceci : quelques jeunes gens, des littérateurs,
des peintres, des musiciens, devisant certain soir après joyeux repas, constatèrent
unanimement que la marche funèbre de Chopin, jouée la nuit, dans le décor pittoresque
des catacombes ne pouvait manquer de produire sur les auditeurs une impression
assez... caractéristique.
On résolut immédiatement de mettre ce projet à exécution. Il ne pouvait être
question de demander aux autorités responsables une autorisation qui eût été
certainement refusée ; mais l'un des conjurés avait d'étroites relations de
camaraderie avec un ingénieur compétent qui n'autorisa pas, mais promit de fermer
les yeux.
Ainsi fut fait!
Et le concert eût lieu, il ne faut s'étonner de rien à Paris !
L'impression fut, du reste, ce que les organisateurs avaient souhaités qu'elle
fut : macabre. Un orchestre composé d'éléments excellents, recrutés parmi les
artistes de l'Opéra, etc., exécuta la Marche de Chopin, la Danse macabre
et d'autres morceaux de circonstance.
A une heure et demie, les récitants troublaient encore d'une voie mal assurée
le repos de l'ossuaire.
A deux heures, se terminait une fête, sans précédent comme sans lendemain, je
le crains !
Ad. M.