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Plan d'ensemble de l'installation hydraulique de Montmartre


LES RÉSERVOIRS DE MONTMARTRE


Depuis plusieurs mois, les Parisiens ont pu voir s'élever au sommet de la butte Montmartre, non loin de l'église du Sacré-Coeur, une construction massive qui, vue de la place Saint-Pierre, offre l'aspect d'une muraille fortifiée ; ce sont les nouveaux réservoirs que la ville de Paris vient de faire établir en cet endroit, pour l'alimentation des quartiers élevés du dix-huitiéme arrondissement, et qui vont être inaugurés dans quelques jours.

Ces réservoirs occupent une superficie de 2,300 mètres ; leur capacité totale est de 11 000 mètres cubes, dont 6 200 en eau de source et 1 800 en eau de rivière. lls se composent de deux parties bien distinctes et complétement séparées, formant deux édifices accolés, dont l'un comprend trois étages d'eau et l'autre deux seulement. Ils sont alimentés par une usine élévatoire installée au bas de la butte et dénommée Usine Saint-Pierre. L'ensemble des installations hydrauliques de Montmartre, reproduit sur notre plan, comprend donc l'usine du bas de la butte, les réservoirs du sommet et les diverses conduites destinées à envoyer l'eau aux réservoirs et à distribuer celle-ci dans le quartier environnant.

L'usine élévatoire renferme trois machines à vapeur de la force totale de 140 chevaux actionnant des pompes qui aspirent directement, les unes l'eau de Seine, sur la conduite de refoulement de la nouvelle usine de Bercy, et les autres l'eau de la Dhuis sur la conduite de distribution des réservoirs de Ménilmontant. Ces eaux sont refoulées séparément jusqu'aux réservoirs où elles sont réparties dans les trois étages. La différence de niveau entre les pompes de l'usine d'en bas et la partie supérieure des réservoirs dépasse 60 mètres.

L'eau de riviére, généralement destinée au lavage des rues et aux usages industriels, est emmagasinée aux niveaux inférieurs des deux réservoirs ; l'eau de source, au contraire, réservée àl'alimentation ménagére, est reçue dans les compartiments supérieurs de maniére à lui donner toute la pression nécessaire pour assurer sa distribution à tous les étages des maisons particulières.

L'étage supérieur du grand réservoir qui peut, à lui seul, recevoir 2 000 métres cubes d'eau de source, est à 136 mètres d'altitude, soit à environ 100 mètres au-dessus du niveau de la Seine dans Paris. Il alimente le réservoir du Château, de construction monumentale assez élégante, situé en haut de la rue Lepic, et qui lui sert de bâche de distribution. Ce dernier réservoir ne contient que 150 mètres cubes d'eau et fait le service de la zone la plus élevée de la butte Montmartre.

Tous ces réservoirs, étant munis chacun de sa conduite spéciale d'alimentation, ainsi que de ses appareils de distribution, de vidange et de trop-plein, peuvent fonctionner séparément, ce qui permet de faire le service avec l'un ou l'autre des compartiments d'eau de source ou d'eau de riviére, et de suspendre le fonctionnement des autres compartiments pour la visite, le nettoyage ou les réparations.

La conduite de refoulement d'eau de source et celle d'eau de riviére sont formées de gros tuyaux de 0,40 m de diamètre. A partir de l'usine élévatoire, elles suivent la place Saint-Pierre, les rues Foyatier, Berthe, Chappe, Lamarck, et, de là, elles vont aboutir aux réservoirs. Les conduites principales de distribution, au nombre de deux, ont 0.50 m de diamètre, elles suivent la direction des conduites de refoulement. Un troisiéme tuyau de 0.25 m de diamètre conduit l'eau de source au réservoir du Château. Toute cette canalisation, formée de tuyaux en fonte, est renfermée dans des galeries souterraines en maçonnerie, où l'on peut aisément la visiter et la réparer. Enfin, la conduite de vidange qui reçoit le trop-plein des réservoirs va déboucher dans l'égout de la rue Azaïs.

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Coupe transversale des réservoirs de Montmartre

Ce n'est pas sans une certaine appréhension qu'on s'est décidé à établir sur la butte Montmartre une construction de cette importance. On avait, en effet, l'exemple récent des difficultés rencontrées dans l'édification de l'église du Sacré-Coeur où l'on dut parer à l'inconsistance du sous-sol au moyen de fondations par puits à grande profondeur remplis de béton. C'était là un moyen trop coûteux : aussi les ingénieurs de la ville de Paris ont-ils pensé, avec raison, qu'il serait possible de profiter de l'uniformité de pression produite par la masse d'eau à emmagasiner pour asseoir directement les réservoirs sur le banc de sable de trois mètres d'épaisseur qui forme la partie supérieure de la butte en cet endroit. Fonder sur de sable une pareille masse peut paraître téméraire ; pourtant – en dépit du proverbe – c'est une excellente fondation, pourvu, toutefois, que le sable ne soit pas mouillé. Il fallait donc garantir à tout prix le sous-sol contre les infiltrations possibles ; pour cela, on a été amené à établir les réservoirs sur un radier général de 75 centimètres d'épaisseur, sorte de chappe imperméable en mortier de ciment. Par surcroit de précaution, on a ménagé dans ce radier des rigoles munies de tuyaux de drainage qui se réunissent en un collecteur conduisant à l'égout les eaux d'infiltration. En outre, la voûte qui supporte l'étage inférieur des réservoirs ne repose pas directement sur ce radier, mais elle est supportée à une hauteur de 2 m. 40 au-dessus par des piliers en maçonnerie réunis par des voûtes d'arêtes, constituant un sous-sol en galeries où il est facile de réparer les fissures que le retrait de la maçonnerie par le froid, ou toute autre cause, pourrait amener.

En façade, les réservoirs présentent une série d'arcades formant évidement dans les murs du pourtour avec un pilier à chaque angle, supportant une tourelle carrée. Au-dessus de la corniche règne une balustrade en pierre de taille.

Le sol de chaque étage est voûté et forme couverture pour l'étage inférieur ; l'étage supérieur est recouvert également d'une voûte légère en briques. Les dimensions et les profils des murs ont été largement calculés pour résister à la pression de l'eau que les réservoirs renferment.

Sur le mur du pourtour du côté Ouest s'appuie la maison du gardien, par la cour de laquelle on accède, au moyen d'un escalier, au chemin de ronde et à la terrasse supérieure ; d'autres escaliers ménagés dans les tourelles d'angle conduisent aux divers étages du grand et du petit réservoir. De petites ouvertures en forme de meurtrières assurent l'éclairage et la ventilation ; des puits de service donnent aussi accès à chaque étage pour la descente des matériaux en cas de réparation.

La belle pierre blanche de Souppes a été employée pour les façades et les parties décoratives de l'ouvrage et la meulière avec le ciment de Portland pour le gros oeuvre, les murs du pourtour et le sous-sol.

Les réservoirs de Montmartre et toute l'installation hydraulique qui s'y rattache sont l'oeuvre de MM. Bechmann, ingénieur en chef, et Journet, ingénieur des ponts et chaussées, chargés de l'exécution des travaux ; ils ont été secondés dans cette tâche par M. Dutoit, conducteur principal des ponts et chaussées. Pour la partie architecturale, qui a bien le cachet sévére et l'aspect de résistance propre à sa destination, les auteurs du projet se sont inspirés des conseils éclairés de M. Diet, architecte, membre de l'Institut.

G. CERBELAUD.

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Les nouveaux réservoirs de Montmartre : Vue générale

 


Dossier de presse