Le front de l'ouest en février 1916

Le 2 août 1914 la France décrète la mobilisation générale. Le 3 août l'Empire Allemand lui déclare la guerre, suivi de l'Empire Austro-Hongrois. Pendant que les Français organisent leurs armées de conscription, les Allemands avec leurs unités d'active, envahissent la Belgique pourtant pays neutre et poussent des reconnaissances offensives sur le territoire français.

Le 7 août, Joffre le général en chef français ordonne la marche au Rhin afin de reconquérir l'Alsace et la Lorraine, territoires perdus à l'issue de la guerre Franco-Prussienne. Cette revanche tant attendue depuis la défaite de 1870 n'a pas le succès escompté et seule une toute petite partie de l'Alsace est libérée. Puis, fidèle à sa doctrine de l'attaque à outrance, élaborée avant la guerre, le haut-commandement français déclenche une offensive généralisée sur l'ensemble du front. En Belgique, en Alsace, en Lorraine, les meilleures troupes d'active partent à l'assaut des lignes allemandes sans appui d'artillerie, au son du clairon comme sur un terrain de manœuvres. Les Allemands retranchées et bien pourvus en mitrailleuses font face à l'assaut et provoquent une hécatombe dans les rangs adverses. Leurs canons à longue portée déciment les renforts français avant même que ceux-ci n'arrivent sur la ligne de front. En quelques jours des divisions entières sont réduites à quelques poignées d'hommes.

Affaiblie par ces attaques meutrtrières, l'Armée Française, ne peut empêcher l'inexorable progression adverse et le 25 août Joffre ordonne la retraite. Quatre armées allemandes pénètrent en France et progressent vers l'ouest. Ces armées dépassent sans l'investir la place de Verdun et le 2 septembre, leurs avant-gardes sont aux portes de Paris. Mais brusquement, l'axe d'attaque des armées allemandes initialement dirigé vers Paris, s'infléchit vers le sud-est afin de tenter d'encercler les divisions françaises positionnées sur la Marne à l'est de la capitale. Cette brusque manoeuvre expose le flanc droit de l'armée d'invasion aux divisions françaises stationnées à Paris qui profitant de cette erreur tactique attaquent le 6 septembre et enfoncent le flanc droit de l'armée allemande. Dans un sursaut patriotique, les autres armées françaises, exténuées par plus de deux semaines de retraite et de combats ininterrompus, contre-attaquent également. Après six jours de combats les Français gagnent la bataille dite de la Marne et poursuivent les Allemands en retraite jusque sur l'Aisne où ceux-ci parviennent à se rétablir. Les deux adversaires cherchent alors à emporter la décision plus au nord, cette tentative de débordement réciproque appelée "course à la mer" dont les enjeux stratégiques sont Calais, Boulogne et Dunkerque ne débouche pas.

Fin novembre 1914, le front se stabilise. Tout au long d'une ligne de front de 700 km qui s'étend de la mer du Nord à la frontière suisse, les belligérants creusent des tranchées. C'est le début d'une guerre de positions qui durera plus de trois longues années. Les Allemands apportent un soin particulier à organiser leurs positions défensives. Leurs tranchées sont profondes, parfois bétonnées et jalonnées de nids de mitrailleuses. De vastes réseaux de fil de fer barbelés en protègent les abords. En cas de bombardement, les troupes peuvent s'abriter dans des stollen, de profonds abris correctement étayés. Il n'en est pas de même du côté français. En effet le haut-commandement français estime qu'il est inutile d'organiser des positions car l'arrêt de la guerre de mouvement n'est que temporaire. Selon ses prévisions les offensives reprendront dès le printemps et perceront rapidement les lignes allemandes. De plus pour les généraux français, le fait de s'abriter dans des retranchements revient à abandonner tout esprit offensif.

L'année 1915 est très éprouvante pour le soldat français. Mal équipé, mal protégé dans des positions aménagées à la hâte, il est à la merci de l'artillerie de tranchée adverse qui a fait son apparition sur le front au début de l'année. Les Minenwerfer et leurs torpilles aux effets dévastateurs gagnent rapidement une triste notoriété chez les poilus (nom donné en France aux combattants de cette guerre). L'artillerie française est quand à elle insuffisante et inadaptée à la guerre de positions. De plus, depuis la contre offensive de la Marne, les munitions font cruellement défaut car les réserves sont épuisées et les industries de l'armement ne peuvent en produire en quantités suffisantes. Les mitrailleuses encore trop rares au sein des unités, n'assurent pas la couverture des offensives localisées, où le poilu monte à l'assaut des lignes adverses baïonnette au canon souvent sans préparation d'artillerie selon des tactiques qui n'ont guère évolué depuis août 1914.
Les pertes sont très sévères au sein de l'armée française et sont encore agravées par les sanglantes offensives du 9 mai en Artois et du 25 septembre en Champagne, offensives qui ne parviennent pas à percer le système défensif allemand. A la fin de 1915, les pertes françaises pour la guerre s'élèvent à 600 000 hommes.
De son côté, sur le front de l'ouest, le combattant allemand est resté une bonne partie de l'année 1915 sur la défensive. Il a pu cependant, au cours d'attaques localisées, bien appuyées par une artillerie de tranchée toujours plus efficace, reconquérir une partie des territoires perdus lors de la retraite de septembre 1914. Fin 1915, les Empires Centraux sont victorieux sur le front Russe et dans les Balkans où ils ont contraint à la retraite les armées Serbes. Ainsi à l'abri du danger sur les fronts Sud et Est, l'Allemagne veut reprendre l'initiative sur le front Ouest en 1916...

Les forces en présence

La Région Fortifiée de Verdun (RVF) compte à la veille de la bataille vingt-deux forts disposés sur deux anneaux concentriques. Malheureusement la plupart de ces ouvrages est désarmée. En effet depuis le début du conflit, l'artillerie française, nettement surclassée par son homologue allemande manque de canons. De plus, l'industrie arrive à peine à compenser les pertes. Alors, à l'instar des batteries côtières, les canons des ouvrages des places fortes sont prélevés au profit de la ligne de front. La RVF n'a pas échappé à cette règle. De plus, après la chute des forts de la ceinture de Liège en août 1914 disloqués par les 305 mm autrichiens et les 420 mm allemands, le Haut Commandement français ne croit plus en l'efficacité des forts. Ceux-ci sont d'après-lui des cibles trop exposées, de véritables pièges à obus vers lesquels convergent tous les feux de l'artillerie adverse. En cas d'attaque, ils sont voués à une destruction certaine. Les ouvrages de campagne sont plus susceptibles de se camoufler, de se fondre dans le terrain.
Le 20 février 1916 au soir, la défense de Verdun est assurée par le 30e corps d'armée commandé par le général Herr et composé de trois divisions d'infanterie. La 72e qui tient le secteur situé entre le bois des Caures et la Meuse, la 51e dans le secteur Ornes-Bois de Ville et la 14e division stationnée entre Ornes et la route d'Etain. Deux divisions supplémentaires et quatorze bataillons sont placés en réserve. L'artillerie de la place est forte de deux cent soixante-dix canons dont une majorité de pièces de campagne de 75 mm.

Le général von Falkenhayn commandant suprême des forces allemandes sur le front de l'ouest choisit le saillant de Verdun pour lancer son offensive. Dans ce secteur, il peut compter sur de nombreuses lignes d'approvisionnement qui pourront desservir ses troupes sur toute la ligne de front. Il est sûr d'asphixier le saillant de Verdun, car ses forces occupent la ligne de chemin de fer de Bar-le-Duc au niveau de Saint Mihiel et la ligne de Chalon en Champagne est sous le feu de son artillerie. Ces deux voies ferrées sont avec la route de Bar-le-Duc les seules voies d'approvisionnement reliant la place forte à l'arrière. Au défaut de valeur stratégique, Verdun a une valeur hautement symbolique pour la France et les Allemands sont persuadés que Joffre et son état major lanceront de nombreuses troupes dans la bataille si la ville est menacée. L'armée française sera alors saignée à blanc et elle sortira de l'affrontement tellement exsangue que la France sera contrainte de demander l'armistice...

L'offensive sera confiée à la 5. Armee forte de dix divisions et commandée par le prince héritier de l'Empire allemand (Kronprinz). Six divisions des IIIe, VIIe et XVIIe Corps d'Armée attaqueront en première ligne et deux en deuxième ligne. Plus de mille quatre cents bouches à feu sont massées en arrière de la ligne de front : des canons de 380 sur voie ferrée, les obusiers Skoda de 305 mm et les Krupp de 420 mm destructeurs des forts de Liège, une multitude de canons de 77 mm, 150 mm, 210 mm, des mortiers de tranchée de 76 mm, de 170 mm et 250 mm. Les objectifs allemands sont simples : il s'agit de saturer d'obus un petit secteur de 20 km de large sur 4 km de profondeur, afin d'annihiler toute défense française. Aucune offensive de grande envergure n'est prévue, ni de tentative d'encerclement du saillant à partir de l'Argonne ou de Saint Mihiel. Le seul objectif est la conquête de la forteresse de Verdun par une débauche de moyens de destruction afin de dissuader la France de continuer la guerre et la contraindre à signer la paix.



L'offensive allemande

Le tir de l'artillerie allemande est déclenché le 21 février 1916 à 7 h15, il surprend complètement l'adversaire et se prolonge jusqu'à 16 h, heure à laquelle il se déplace sur les arrières françaises permettant aux troupes d'assaut de passer à l'attaque. La première ligne française a été pulvérisée par le bombardement et les Allemands la dépassent sans même le réaliser. La progression est pourtant difficile car le déluge d'artillerie a défoncé le sol et a "gommé" tous les points de repère. Les troupes d'assaut armées de grenades et des lances flammes progressent lentement en s'infiltrant entre les moles de résistance français. Les poilus rescapés peuvent profiter de ce répit inespéré pour se retrancher dans les cratères d'obus et se préparer à résister au gros de l'infanterie allemande lorsque celle-ci commencera sa progression. Ainsi dans le bois des Caures, les 56e et 59e bataillons de chasseurs à pied du lieutenant-colonel Driant résistent seuls face à une division allemande. Mais ces deux bataillons perdent en 24 heures plus de 80 % de leurs effectifs. Les combats isolés des débris des trois divisions françaises se prolongent jusqu'au 25 février, bloquant toute nouvelle progression et permettent au Haut Commandement français d'acheminer à la hâte des renforts dans le secteur de Verdun.

Du 24 au 25 février, les renforts français arrivent progressivement. Le XXe Corps d'Armée composé de la 37e division africaine, des 16e, 39e et 153e divisions d'infanterie (DI) est lancé dans la fournaise avec pour consigne de s'opposer à tout prix à la progression adverse. L'artillerie allemande bien renseignée par les ballons et les avions d'observation fait un carnage et le 25 les troupes françaises sont contraintes d'évacuer la plaine de la Woëvre. Ce même jour, le fort de Douaumont est pris par surprise par l'infanterie allemande. Les 51e et 72e DI ont perdu en quatre jours de combat plus de 60 % de leurs effectifs.
Le 26 à l'issue d'un nouveau bombardement d'artillerie, l'armée allemande repart à l'assaut. Les troupes du Kronprinz sont à moins de 5 km de Verdun et le fort de Vaux se trouve maintenant en première ligne. Cependant, les assaillants ne peuvent progresser plus avant. Leurs réserves de munitions sont épuisées et les combattants sont exténués après six jours de combats ininterrompus. L'offensive s'interrompt alors pendant quelques jours. Ce répit est mis à profit par le commandement français pour acheminer de nouveaux renforts et organiser la défense du saillant de Verdun.

Le 25 février, jour de la chute du fort de Douaumont, le général Pétain est nommé à la tête de la IIe armée affectée désormais au front de Verdun. Le front est maintenant stabilisé, il s'agit de réorganiser les voies d'approvisionnement entre Verdun et l'arrière afin d'empêcher l'asphyxie du saillant. Les voies ferrées étant impraticables, la seule artère utilisable est la route départementale de Bar-le-Duc à Verdun. Pétain fait remettre en état cette route et organise le traffic qui doit transiter sur ce qui s'appelera plus tard la "Voie Sacrée" : deux mille tonnes de munitions, deux mille tonnes de vivres et vingt mille hommes par jour. Presque tout l'approvisionnement du front de Verdun transite jour et nuit par cette artère interdite aux convois hippomobiles. S'instaure un système de relève qui permet aux troupes de ne pas séjourner trop longtemps sur la ligne de feu : deux jours en première ligne, deux jours en deuxième ligne et deux jours à l'arrière. Cette rotation sera bientôt allongée à trois jours pour pallier aux lourdes pertes subies au front. Avec cette noria presque toutes les divisions de l'Armée Française vont passer par l'enfer de Verdun. Les unités sont littéralement étrillées pendant leur séjour en première ligne. Elles perdent en moyenne 25 % de leurs effectifs le premier jour de leur présence sur le front. Face à eux, les divisions allemandes ne sont pas relevées, mais leurs pertes sont constamment comblées par un apport constant de troupes fraîches. Les combattants allemands connaissent donc parfaitement le terrain et peuvent instruire les soldats nouvellement incorporées pour combler les pertes. Cependant cette absence de rotation des effectifs combattants a un impact négatif sur le moral des soldats qui une fois sur le front, pensent ne plus pourvoir quitter cette fournaise vivants. Ainsi, face aux neuf divisions françaises présentes en  première ligne à partir du mois de mars avec des effectifs plus ou moins complets, les neufs divisions allemandes combattent toujours avec le nombre réglementaire de soldats. Outre le nombre de combattants, la disproportion est encore plus flagrante dans l'équipement. Les troupes allemandes sont bien pourvues en obusiers, mortiers de tranchées, canons de campagne et artillerie lourde. De profonds abris creusés aussitôt le terrain occupé permettent aux troupes de seconde ligne de se reposer à l'abri des obus français. L'eau courante est apportée jusqu'en deuxième ligne par des canalisations profondément enterrées. Le combattant allemand n'est pas tenaillé par la soif comme l'est constamment le combattant français.

 

 

La bataille des ailes

L'offensive allemande reprend le 4 mars sur la rive droite de la Meuse. Mais Pétain redoute une attaque sur la rive gauche et suivant ses directives, le général de Bazelaire chef du 7e corps d'armée a fait renforcer le secteur entre Cumières et Avocourt. Les lignes de défense, tenues par quatre divisions passent par la cote 304 et le Mort-Homme. Le 5 mars, un violent bombardement de l'artillerie allemande s'abat sur la rive gauche. Deux divisions allemandes, les 11. et 12. Reserve Divisionen se lancent à l'assaut le 6 au matin. Les Allemands s'emparent du bois des Corbeaux mais confrontés à une vive résistance adverse, ils ne peuvent progresser plus avant. Le 8 mars une contre-attaque française rejette les Allemands au-delà du bois. Les Allemands réitèrent leurs attaques les 9 et 10 mars. Le 10 au soir ils occupent le bois des Corbeaux, le bois de Cumières et les pentes nord du Mort-Homme dont le sommet est solidement tenu par les Français. Malgré de nouvelles attaques du 13 au 15 mars, le sommet du Mort-Homme reste français. L'activité allemande va alors se déplacer à quelques kilomètres à l'ouest.
Le 20 mars, la 11. Bayerische Infanterie Division disloque une brigade de la 29e DI. La division voisine, la 11e DI résiste pied à pied mais elle ne peut empêcher la conquête des villages de Malancourt et Haucourt. Les pentes nord de la cote 304 sont allemandes. Puis les attaquants occupent le village de Béthincourt entre la cote 304 et le Mort-Homme. Les attaques allemandes continuent jusqu'au 9 avril mais elles ne peuvent progresser plus avant. En un mois d'attaques incessantes sur la rive gauche, les Allemands n'ont avancé que de deux kilomètres sur un front large de six. Les pertes sont très importantes chez l'assaillant. A partir du 10 avril, von Falkenhayn change de tactique, aux attaques d'envergure succèdent des attaques localisées et un matraquage constant des positions françaises par l'artillerie allemande toujours maîtresse du champ de bataille.



La contre-offensive française

Le 1er mai, le général Joffre nomme le général Pétain à la tête du groupe d'armées du centre (IIe, IIIe, IVe et Ve armées). Cette promotion marque un changement de tactique au sein du grand quartier général (GQG) français, en effet Pétain le défenseur est remplacé sur le front de Verdun par un attaquant, le général Nivelle anciennement à la tête du 3e corps d'armée. A la nomination de Nivelle, la IIe armée compte 7 corps d'armées (les 2e, 3e, 7e, 9e, 12e, 14e et 32e CA) soit 25 divisions.

Le front de Verdun étant stabilisé, le général Nivelle envisage une attaque pour réconquérir le fort de Douaumont. La date de l'offensive française sur la Somme approchant, les divisions sont dirigées prioritairement sur ce front si bien que Joffre n'autorise l'emploi que d'une seule une division dans l'attaque de l'ouvrage livré sans combats à l'ennemi le 25 février. La 5e division, la "division de fer" du général Mangin est choisie pour cette attaque. La préparation d'artillerie commence le 17 mai et les troupes d'assaut gagnent leurs positions de départ à partir du 20 mai. L'artillerie française toujours surclassée par son homologue adverse n'est pas en mesure de contre-battre les batteries ennemies dont les obus causent des pertes élévées au sein de la division Mangin pendant les deux jours précédant l'attaque. Les travaux préalables à l'assaut sont insuffisants car il faut recreuser chaque nuit les abris et les tranchées d'approche qui sont détruites méthodiquement pendant la journée par l'artillerie allemande.

L'attaque débute le 22 mai à 11 h 50 derrière un feu roulant des 75 qui disloque les premières lignes allemandes au centre et à gauche de l'axe d'attaque. Les assaillants progressent, traversant sans se soucier du feu meurtrier des mitrailleuses et de l'artillerie adverse la zone de 600 m séparant les premières lignes françaises du fort et parviennent aux fossés de gorge de l'ouvrage d'où ils s'infiltrent sur les superstructures. Sur la droite la forte résistance allemande empêche toute progression.
Les superstructures ouest du fort sont conquises. Les Allemands retranchés dans les parties souterraines de l'ouvrage demandent un appui à leur artillerie et les positions sur les dessus du fort deviennent vite intenables pour les Français qui malgré l'arrivée de renforts ne peuvent investir le reste de l'ouvrage. A partir du 23 mai les éléments français retranchés sur le fort perdent le contact avec leurs lignes, leur encerclement se précise. Les soldats survivants combattent encore avec l'énergie du désespoir et se rendent le 24 mai au petit matin. La tentative reprise du fort de Douaumont s'est soldée par un échec cuisant avec de lourdes pertes.


La prise de Vaux

Du côté allemand, les pertes ont augmenté de façon conséquente et les gains territoriaux sont infimes depuis le 25 février. Le général von Falkenhayn, décide alors de reprendre l'offensive afin de justifier par une progression conséquente les pertes subies depuis le début de la bataille. Le fort de Vaux sera le premier objectif. Il est défendu par une garnison de deux cents hommes sous les ordres du commandant Raynal auxquels il faut ajouter quatre cents hommes rescapés des unités initialement positionnées aux alentours. Ces troupes ont trouvé refuge dans les œuvres vives de l'ouvrage afin d'échapper au matraquage de l'artillerie allemande qui s'acharne sur l'ouvrage depuis plusieurs jours. Les Allemands tirent avec des obus à gaz devant toutes les ouvertures du fort et la zone des combats se rapproche. Le 2 juin au matin, les pionniers allemands sont sur la contrescarpe, ils s'infiltrent dans les fossés et parviennent non sans mal à occuper les coffres. A partir de ceux-ci, ils tentent de progresser vers le cœur de l'ouvrage en empruntant les gaines de liaison souterraines. Mais ces galeries sont bloquées par des barrages que les Français ont garnis de mitrailleuses. La bataille fait rage entre les pionniers allemands maîtres des dessus du fort et la garnison française retranchée dans les parties souterraines. Dans cette guerre de taupes, les protagonistes s'affrontent à coups de grenades. Les Allemands projettent des liquides enflammés pour réduire les points de résistance. Lorsqu'un barrage devient intenable, les Français se replient de cinq mètres mettent une mitrailleuse en batterie et reconstituent un autre point d'arrêt avec des sacs de terre d'où ils accueillent l'assaillant à coup de grenades et de rafales dont les balles ricochent contre les murs. Le 5 juin, la garnison souffre de la soif car il n'y a plus d'eau depuis plus de quatre jours. A la faveur de la nuit, une partie des troupes réfugiées dans l'ouvrage parvient à rejoindre les lignes françaises maintenant bien en arrière du fort. Le 6 juin une contre-attaque française ne parvient pas à dégager l'ouvrage. A l'intérieur, l'atmosphère est tellement polluée que lampes à carbure et bougies s'éteignent. Les blessés, les hommes valides et les cadavres gisent pèle-mèle dans les galeries. Dans les gaines souterraines, les barrages tiennent toujours et dans le meilleur des cas les Allemands ont progressé de vingt-cinq mètres en cinq jours. Le commandant Raynal capitule le 7 juin. Pour saluer le courage des défenseurs, lors de la réddition les Allemands présentent les armes aux rescapés de la garnison. Le commandant Raynal aura l'honneur d'être reçu par le Kronprinz en personne.

Le 23 juin, au terme d'une attaque aux gaz et d'un puissant bombardement, soixante dix mille Allemands repartent à l'attaque. Leur poussée n'est contenue qu'à grand peine par le sacrifice des 114e et 121e bataillons de chasseurs à pied, des 39e, 239e et 407e régiments d'infanterie. L'ouvrage de Thiaumont et le village de Fleury sont conquis de haute lutte. La ligne de front n'a jamais été aussi proche de la ville de Verdun et passe désormais par la ligne Fleury-Thiaumont-Vaux. Le commandement de ce secteur est confié à Mangin promu pour l'occasion général de corps d'armée. Du 24 au 27 juin, Mangin lance quatre contre-attaques sans préparation d'artillerie ou presque pour tenter de reprendre une partie du territoire concédé aux Allemands. Ces attaques se soldent par des échecs sanglants.



L'ultime assaut

La dernière offensive allemande débute le 11 juillet. Le temps presse, l'offensive française sur le Somme est difficilement contenue et faute de réserves, les Allemands ne vont pas pouvoir conserver longtemps l'initiative sur le front de Verdun. Il leur faut emporter rapidement la décision sur ce champ de bataille. Faute de troupes disponibles, le front d'attaque est réduit et l'objectif est la conquête du fort de Souville. A 4 h 30 un bombardement très dense s'abat sur quatre kilomètres de front entre Souville et Fleury. Le corps Alpin allemand passe à l'attaque renforcé par trois divisions d'infanterie. Au matin du 12 juillet, les Allemands tiennent le carrefour Sainte Fine à quatre cents mètres du fort de Souville. A 6 h, cent cinquante feldgrau progresssent vers le fort de Souville mis à mal par leur artillerie lourde. Un lieutenant français parvient à réorganiser la défense du fort et lance une contre-attaque avec les soixante rescapés de la garnison lorsque l'adversaire parvient aux fossés de l'ouvrage. Les Allemands sont contraints de se replier. Au soir du 12 juillet, les pertes des attaquants sont énormes (plus de deux tiers des effectifs engagés) et aucun des objectifs fixés n'est atteint. A ce moment, le Kronprinz reçoit du GQG, l'ordre de se tenir désormais à une stricte stratégie défensive sur le front de Verdun et les jours suivants, la 5.Armee est amputée de plusieurs divisions transférées vers la Somme pour y contrer l'offensive franco-anglaise. L'initiative passe définitivement du côté français...


La reprise des forts

Le 18 août, le Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc reconquit définitivement les ruines du village de Fleury qui a changé de mains dix-huit fois en un mois. La reprise du fort de Douaumont peut alors être envisagée. L'objectif est d'importance et rien n'est négligé pour cet assaut décisif. De nombreuses bouches à feu convergent vers le secteur dont deux mortiers de 400 mm sur voie ferrée qui, le moment venu, assommeront le fort avec leurs obus d'une tonne. Les travaux préparatoires sont minutieux, des lignes téléphoniques sont profondément enterrées entre les premières lignes et les postes de commandement. Les voies d'accès sont reconstruites et empierrées. De nouvelles tranchées et des parallèles de départ sont creusées. Le bombardement effectué par six cent cinquante-quatre pièces françaises commence dès le 21 octobre. Le 23, trois divisions (38e, 74e et 133e ) prennent position pour l'attaque, avec en réserve trois autres divisions (7e, 9e et 63e) et deux en seconde ligne. En face les troupes allemandes fortes de sept divisions sont appuyées par huit cents canons. Cependant le dispositif allemand est reparti en profondeur si bien qu'en première ligne les Allemands n'ont massé que vingt-deux bataillons.

Les trois divisions montent à l'assaut à 11 h 40 le 24 octobre. Le chronométrage est précis, les vagues d'assaut doivent suivre le barrage roulant de l'artillerie en progressant de cent mètres toutes les quatre minutes. A 12h l'ouvrage de Thiaumont est pris, à 15 h les soldats du Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc sont sur les superstructures du fort de Douaumont dont la garnison allemande capitule à 20 h. Les assauts en direction du fort de Vaux restent néanmoins infructueux. Le 28 octobre Nivelle décide une nouvelle attaque en direction de cet ouvrage. Le 1er novembre les 7e, 9e, 22e et 33e DI gardées jusque là en réserve gagnent les premières lignes. La préparation d'artillerie débute ce jour et le 3 novembre à 1 h du matin, des éléments de la 22e DI occupent le fort de Vaux évacué par sa garnison allemande. Les deux symboles de la bataille, les forts de Vaux et de Douaumont sont de nouveau aux mains des Français. Le 15 décembre, une nouvelle attaque effectuée par les 37e 38e 126e et 133e DI libère les zones de couverture des forts et plus à l'ouest la côte du Poivre est reconquise.

Pour de nombreux historiens la bataille de Verdun s'achève avec la reprise des deux symboles de la bataille, les forts de Vaux et de Douaumont. Mais si les combats diminuent en intensité à partir de la fin de l'année 1916 et si les états majors Français et Allemands recherchent désormais la décision ailleurs sur d'autres champs de bataille, les combats se poursuivent âprement jusqu'à la fin de 1918.


Le dégagement du saillant ou seconde bataille de Verdun

Après l'attaque du 15 décembre, l'activité sur le front de Verdun décroit. Les Français consolident leurs positions si chèrement reconquises afin de dissuader toute nouvelle offensive adverse. Les travaux sont effectués sous le feu de l'artillerie allemande qui a de plus en plus recours aux obus à gaz. Des nuages d'Ypérite (gaz moutarde) stagnent en permanence sur le champ de bataille. L'artillerie française conserve néanmoins la supériorité acquise avant la reprise de Douaumont. La nuit les troupes d'assaut allemandes effectuent des coups de mains dans le tranchées adverses. En janvier et février 1917, le froid rendant le champ de bataille totalement impraticable limite les travaux et les opérations. Sur la rive gauche, le 25 janvier à la suite d'une attaque, les Allemands occupent une partie de la cote 304. Sur la rive droite, une autre attaque le 4 février au niveau des Chambrettes et à l'ouest du bois des Caurières est stoppée par les Français.

Début 1917, le général Nivelle remplace Joffre à la tête du GQG. Le nouveau généralissime prépare une offensive qu'il veut décisive sur le Chemin des Dames. Celle-ci est un échec sanglant et démoralise l'armée française dont certaines unités se mutinent. Le 29 avril Pétain est nommé chef d'état major général de l'Armée et le 15 mai Nivelle est relevé de son commandement. L'Armée Française applique désormais une stratégie purement défensive car Pétain, économe de la vie de ses hommes, s'applique à reconstituer les unités dûrement étrillées par des offensives coûteuses et sans résultats notoires. Pour améliorer le moral des troupes, il renonce à toute offensive d'envergure et instaure une stratégie défensive destinée à user l'adversaire. Il autorise seulement quelques offensives aux objectifs limités. Dans ce cadre, une attaque est organisée sur le saillant de Verdun. Celle-ci doit dégager le Mort-Homme et la cote 304 sur la rive gauche et permettre la reconquête de la cote 344 sur la rive droite. Sur la rive gauche, le 20 août 1917, derrière un barrage roulant d'artillerie, le 16 Corps d'Armée monte à l'assaut sur un front de huit kilomètres. Le Bois des Corbeaux, les pentes nord du Mort-Homme et de la côte 304 sont repris aux Allemands. Sur la rive droite le même jour le 15e Corps reconquit la cote 344. Ce seront les deux dernières attaques d'envergure sur le front de Verdun. Maise le champ de bataille sera matraqué par l'artillerie jusqu'en avril 1918.

A partir d'août 1918 les troupes américaines relèvent les Français en Argonne et dans le secteur de Saint Mihiel. Le saillant de Saint Mihiel est nettoyé le 16 septembre à l'issue d'une offensive franco-américaine. L'offensive américaine du 26 septembre en Argonne dégage définitivement Verdun.

L'armée allemande a perdu 330 000 hommes (dont 143 000 tués) sur le front de Verdun pendant l'année 1916. Aucun des objectifs fixés par son état major n'a été atteint : ni l'occupation de la ville, ni la destruction de l'armée française puisque les pertes sont aussi élévées dans les deux camps. L'armée française n'est nullement exangue car elle a l'initiative des opérations à la fin 1916 et au début 1917. A la fin de l'année 1916, sur le front de l'ouest l'armée allemande est usée et son moral est au plus bas. Dans le camp français, Verdun aura révélé des stratèges comme Pétain le défenseur, économe de la vie de ses soldats ou le binôme d'attaquants Nivelle-Mangin qui par l'application de tactiques nouvelles alliant une coopération minutieuse entre l'infanterie, l'artillerie et des armes modernes comme l'aviation a su emporter la décision sur le saillant. Verdun, symbole de la résistance de l'Armée Française dont la quasi totalité de ses divisions a combattu sur ce champ de bataille, est une victoire stratégique et psychologique. Mais c'est surtout la victoire du combattant de première ligne, qui par son sacrifice a réussi à stopper l'offensive allemande.

 

 


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