La forteresse de Verdun 1870-1885

L'intérêt stratégique de la place de Verdun était secondaire avant 1870 car celle-ci est située en seconde ligne derrière les forteresses de Metz et de Thionville. La ville a pour toutes fortifications l'enceinte urbaine de type Vauban et la citadelle d'Errard de Bar-le-Duc. Les défenses de la ville mal entretenues ne peuvent résister efficacement au siège allemand en 1870 et la garnison est contrainte à la rédition. Les travaux de fortification ne débutent qu'après le retrait des troupes d'occupation allemandes en 1873. Car face à la forteresse de Metz considérée maintenant comme la plus puissante du l'Empire allemand, Verdun est désormais une place stratégique de toute première importance. Son rôle est triple :

Pour que Verdun puisse remplir ses missions, le Général Séré de Rivières demande la modernisation des défenses existantes par l'adjonction d'une ceinture de forts. La plupart des ouvrages proposés par le général seront construits...

En 1875, face à de nouvelles menaces de guerre avec l'Allemagne, la première ceinture de Verdun est hâtivement aménagée avec les forts de Belleville, Saint-Michel, Belrupt, Regret, La Chaume et Dugny (appelés les "forts de la panique"). Les travaux de fortification se poursuivent courant 1875, avec la construction des forts de Tavannes et de Souville. En 1877, la deuxième couronne fortifiée est ébauchée avec les forts du Rozelier et d'Haudainville. De 1881 à 1883, quatre nouveaux forts viennent renforcer le dispositif : Vaux, Bois-Bourrus, Moulainville et Landrecourt. Cependant, la dernière tranche de travaux est amputée : la construction du fort de Sivry-la-Perche est ajournée. Seul le fort de Douaumont est mis en chantier en 1885.


Dès 1887, les forts de Verdun sont modernisés par l'ajout de carapaces de béton simple puis de béton armé à partir de 1897. Les caponnières exposées au tir direct de l'artillerie ennemie sont détruites et remplacées par des coffres de contrescarpe dont l'artillerie bat les fossés empêchant ainsi leur franchissement par les troupes ennemies. Les coffres sont reliés au reste du fort  par des gaines souterraines passant sous les fossés de l'ouvrage. L'artillerie est redéployée à l'extérieur et les forts deviennent alors de simples observatoires. Dès 1900 des abris bétonnés sont construits dans les intervalles entre les ouvrages. Le programme de modernisation des forts les dote à partir de 1902 de casemates bétonnées pour les canons de 75 mm de flanquement (casemates de Bourges). L'épaisseur des voûtes de béton des oeuvres vives des ouvrages dépasse désormais les 2 mètres avec un recouvrement de terre de 4 m. Les tourelles à éclipse (tourelles de 155 mm court, tourelles de 75 mm jumelés et tourelles de mitrailleuses) sont peu à peu installées sur les dessus des forts. La dotation en sera malheureusement incomplète lorsque se déclenchera la bataille de Verdun... A partir de 1906, les ouvrages sont systématiquement construits en béton.

1906 Construction d'un ouvrage à la Falouze.

1910 Construction du fort de Vacherauville.

A la déclaration de guerre, la place de Verdun est ceinturée par trois lignes de fortifications. La ligne extérieure située à une distance variant entre 5 et 8 km du centre-ville est défendue par 22 forts. 6 autres forts assurent une défense rapprochée de la ville (ligne intérieure). La Citadelle de Verdun modernisée fait office de réduit de la troisième ligne de défense constituée par l'enceinte urbaine. Comparés aux très modernes forts allemands des places de Metz et de Thionville (ces forts serviront d'ailleurs de modèles aux concepteurs de la Ligne Maginot), les forts de Verdun sont mal équipés pour soutenir un siège : peu ou pas d'infrastructures permettant la vie d'un équipage permanent, pas d'entrée éloignée des zones de combat permettant d'acheminer des renforts au sein des ouvrages.

 

La forteresse au début de la guerre

A partir de 1915, les forts de Verdun sont désarmés. En effet après la chute des forts belges de Liège, Namur et Anvers en 1914, l'état-major général français a décrété qu'aucun fort ne pouvait résister à l'artillerie lourde adverse. Pire, ils risquaient de devenir de véritables "pièges à obus" en concentrant les tirs adverses. Les garnisons sont alors évacuées et la garde des ouvrages est confiée à des territoriaux. De plus, depuis le début de la guerre, l'armée française connait une grave pénurie de pièces d'artillerie moyenne et lourde. En conséquence, a l'instar de l'artillerie côtière, l'artillerie des forts est démantelée. Tous les canons des casemates de Bourges, des coffres et des galeries de contrescarpes qui peuvent être démontés sont récupérés. Seules les pièces des coupoles instransportables sont restées en place. Ainsi le fort de Douaumont ne dispose plus à la veille de l'offensive allemande que d'un canon de 155 mm et de 4 canons de 75 mm...


L'intérêt stratégique de Verdun en 1916

Le Général en chef des forces allemande Von Falkenhayn décide en janvier 1916 de lancer ses divisions à l'assaut de Verdun. Il espère ainsi attirer l'armée française dans un piège afin de la "saigner à blanc" (2). Il est vrai qu'au moment de l'offensive allemande de 1916, la France a déjà perdu plus de 600 000 hommes dans de vaines attaques voulues par son grand quartier général. Cependant l'attaque frontale allemande, sans offensives d'encerclement du saillant, ni en Argonne, ni sur Saint Mihiel, risque à terme d'occasionner des pertes sensibles des deux côtés. Selon le Kronprinz (le prince impérial) commandant la 5è Armée (celle qui sera engagée sur Verdun), une percée à Verdun permettrait de déboucher sur une guerre de mouvements ; un nouveau Sedan en quelque sorte. Si les pertes françaises sont sévères de février à juin 1916, elles s'équilibrent avec les pertes allemandes à partir de juillet. Les Allemands s'obstinent sur un secteur qui à la fin de 1916 devient plus meurtrier pour eux que pour leurs adversaires. Ainsi les buts stratégiques allemands s'accordent mal avec la tactique suivie sur le terrain...
Si l'intérêt stratégique de l'offensive sur Verdun est peu clair, le choix de Verdun comme secteur d'offensive se justifie aisément. En effet la place forme une sorte de saillant au milieu des lignes allemandes. Les voies de communication du côté français sont réduites à une mauvaise route reliant Bar-le-Duc à Verdun et à deux voies ferrées celle de Bar-le-Duc coupée par les Allemands à St Mihiel et celle de Châlons-en-Champagne exposée au feu de l'artillerie adverse. Le secteur de Verdun peut alors être rapidement asphyxié en cas d'offensive. Les Allemands disposent de leur côté de voies de communication sûres qui permettent l'acheminement des renforts, des vivres et du matériel vers le front.

(2) Il donne cette version dans ses mémoires et à peut-être essayé de se justifier à postériori.


Les points clés de la forteresse dans la bataille

La Citadelle

Le fort de Douaumont

Le fort de Vaux

Le fort de Souville

Le fort de Tavannes

Le Tunnel de Tavannes

 


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